L'Italie buissonnière by Dominique Fernandez

L'Italie buissonnière by Dominique Fernandez

Auteur:Dominique Fernandez [Dominique Fernandez]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset
Publié: 2019-03-15T00:00:00+00:00


Église Sant’Andrea delle Fratte, Ange à l’écriteau, par Bernin

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Connaissez-vous plus belle jambe ?

Le pont S. Angelo, un des plus anciens de Rome, qui mène à l’édifice rond et massif appelé improprement, par pontificale usurpation, château Saint-Ange, construit sur l’ordre d’Hadrien, pour lui servir de mausolée, au IIe siècle de notre ère, franchit le Tibre sous ses murailles. On l’appelait autrefois pont S. Elio, du nom complet de l’empereur, Publius Aelius Hadrianus. On aimerait que les dix anges qui le décorent aient été inspirés par le bel Antinoüs, mais, de plusieurs siècles postérieurs, ils datent du XVIIe siècle et portent l’estampille baroque. Des élèves de Bernin en sont les auteurs, sauf pour deux d’entre eux, l’ange à l’écriteau et l’ange à la couronne d’épines, dus au maître lui-même. Mais ceux qu’on voit sur le pont n’en sont que des copies ; le pape Clément XI les jugea d’une trop grande beauté pour être exposés aux intempéries. Il les fit transporter à l’intérieur de l’église S. Andrea delle Fratte, près de la place d’Espagne, où ils flanquent le maître-autel. Ils sont d’une telle séduction qu’il semble impossible que Bernin n’ait pas songé en les sculptant aux formes « divines » du jeune amant d’Hadrien.

L’ange à l’écriteau (écriteau : imitation d’un parchemin enroulé, qui porte l’inscription INRI, « Iesus Nazarenus Rex Iudæorum »), placé à droite de l’autel, est le comble de la beauté qu’ait jamais atteint une statue baroque, tout en gardant une mesure et une élégance dont certains reprochent à cet art de manquer trop souvent. Debout, prenant appui sur un rocher aux aspérités inégales, l’ange est en déséquilibre, tout en donnant l’impression de la stabilité, tant le jeu des lignes contraires, le contrapposto des jambes, du corps et de la tête, concourt à une harmonie souveraine.

Rien de plus facile que d’examiner en détail cette statue, détachée du mur et mise en évidence ; on peut l’approcher de plusieurs côtés, sans que personne vous dérange. On n’entre guère dans cette église, dont l’intérieur ne présente aucun intérêt. L’attention des passants se concentre à l’extérieur, sur le campanile ajouté par Borromini, folle et géniale superposition d’un petit temple rond à colonnes, d’une roue de huit hermès bouclés et emplumés, d’un cercle de huit candélabres, enfin d’une couronne à pointes évasées soutenue par trois volutes enchâssant des boucliers : le tout constituant la plus bizarre des excroissances au-dessus de l’étendue plate des toits de tuiles, une sorte de végétation minérale née dans des tropiques imaginaires.

Bernin a travaillé longtemps à cet ange ; on en possède plusieurs esquisses, dessinées au crayon noir, à l’encre, à la sanguine, ou modelées en terre cuite. Il l’a d’abord dessiné sur un modèle vivant, quelque jeune homme tout nu, crayonné avec tous les détails du sexe ; puis, pour le sculpter, recouvert décemment d’une abondante draperie à gros bouillons, mais toujours en laissant nue jusqu’au haut de la cuisse la jambe droite. On ne connaît pas au monde de jambe mieux tournée : jeune, fine, allongée, imberbe, lisse,



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